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Érection du chemin de
croix, la bénédiction du 24 avril 1887
«L'Église de Brandeville vient de s'enrichir
d'une oeuvre d'art importante.
M. le Curé, dont le zèle est sans
fatigue, a voulu couronner les
travaux d'embellissement qu'avait commencés déjà
son prédécesseur, M.
Ayet, et qu'il a continués, par l'acquisition d'un nouveau
chemin de
croix plus en rapport avec l'édifice restauré.
C'était le voeu de la
population: de pieux donateurs, Mlle Andreux, morte il y a quelques mois
M. l'abbé Lebureaux, curé de Théméricourt,
au diocèse de Versailles; le
Frère Théotime Andreux, supérieur du
collège Saint-Julien d'Angers,
etc., avaient remis à M. l'abbé Vauthier de
généreuses offrandes à
cette intention.
Pour des murs vastes et blanchis, il fallait donner
aux tableaux
des proportions monumentales et éviter les tons criards. C'est
ce qu'a
compris l'artiste, M. Aubry, élève et gendre de M.
Lallouette, le
peintre bien connu, en ce moment chargé de surveiller les
fouilles de
Carthage et de décorer le nouvel évêché de
Monseigneur Lavigerie.
L'œuvre de M. Aubry est de grandeur peu commune et elle est
remarquable autant par la beauté (de la conception que par le
fini de
l'exécution. On y pourrait relever bien des qualités; le
modelé à la
fois précis et moelleux, la fermeté des contours, une
entente plus
qu'ordinaire de la couleur locale dans les vêtements des
personnages,
dans les fonds de tableaux qui représentent exactement des
paysages
judaïques : montagnes âpres labourées de
précipices, pentes couvertes
de cèdres et de cactus, etc. Mais la qualité
maîtresse, c'est le
coloris, aussi souple que solide, aussi doux qu'éclatant, aussi
profond
que varié.
Les personnages sont peu nombreux; çà
et là seulement, à côté de la
scène principale, des accessoires épisodiques en
relèvent le sens.
Toutes les figures ont des expressions satisfaisantes, point banales,
ni tombant dans ce qu'on appelle la manière. Le Christ a bien
l'humilité sublime, la divine résignation, l'ineffable
expression de
l'Homme qui subit volontairement la mort pour les iniquités des
hommes.
Marie est bien la Mère des douleurs. Par contraste, autour de la
sainte
Victime, s'agitent des Juifs au type très bien réussi et
que l'on
pourrait recommander a ceux qui sont au courant de certaines
publications contemporaines.
Des critiques pointilleux pourraient reprendre quelques attitudes un
peu forcées; la figure trop jeune de Madeleine; les
vêtements un peu
mondains des filles de Jérusalem; les traits
indifférents, peut-être
secs, du Sauveur rencontrant sa sainte Mère.
Mais ces défauts, faciles à corriger,
ne sont point choquants.
L'ensemble est d'un grand effet, et comme c'est le premier travail en
ce genre de M. Aubry, nous augurons bien de son avenir artistique.
C'est dimanche dernier, 4 avril, que ce chemin de croix a
été
consacré. Monseigneur, désireux de donner un
témoignage d'estime à la
paroisse et à son curé, avait voulu venir lui-même,
accompagné de M.
Thomas, vicaire général. II est inutile de raconter
l'empressement de
la population à l'arrivée du Prélat; les
nombreuses communions du
matin, à la messe de Sa Grandeur; les belles
cérémonies de la messe
solennelle chantée par M. Thomas, à qui
répondaient un choeur de dix
chantres d'une part et toute l'assistance de l'autre; la causerie de
Monseigneur parlant, avec un aimable abandon, de la paroisse à
la
paroisse, entrant dans les plus intimes détails, disant les
progrès à
obtenir, racontant même l'histoire des ancêtres; la visite
de Sa
Grandeur aux malades; les enfants faisant foule autour de Monseigneur
et recevant de lui, avec des conseils et des caresses, des marques
sonnantes de sa paternelle bonté; tous ces charmants
détails enfin qui
se reproduisent si souvent sous nos yeux depuis deux ans ou que nous
lisons dans la Semaine Religieuse.
La grande cérémonie avait lieu à 4 heures. De
toutes les paroisses
voisines accourent prêtres et fidèles: M. le chanoine
Michel, de
Louppy, M. le doyen de Damvillers, etc. Après le chant des
vêpres,
Monseigneur adresse des remerciements aux donateurs, félicite
l'artiste, et donne un aperçu général sur les
différentes phrases des
souffrances qui forment la voie douloureuse. « Ce ne fut pas
assez pour
Jésus, dit-il, dans une magnifique gradation que je ne fais
qu'indiquer, de se donner lui même en nourriture; de se voir
trahi par
un des siens, traîné de tribunal en tribunal,
souffleté, flagellé,
chargé de la croix; il voulut aller jusqu'à la mort, et
alors il put
dire: Consummatum est, je ne puis faire d'avantage pour les hommes;
j'ai été jusqu'à la limite extrême de
l'amour et des souffrances, in
finem.
Puis le clergé parcourt les différentes stations et
Monseigneur
donne le sens de chacune dans une allocution aussi courte que
saisissante.
Sa Grandeur, pour une raison particulière,
était très émue et bien des yeux étaient
mouillés de larmes.
Puisse cette journée laisser dans les
âmes de ceux qui en furent
les témoins un souvenir aussi durable que la jouissance en a
été
délicieuse!
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