MONTMEDY
du 1er Août 1914 au 1er Juin 1915
Aucune relation, Je
crois, de la vie à Montmédy pendant la guerre de 1914-18
n'a été jusqu'ici publiée. Celle que nos lecteurs
trouveront ici ne manquera pas de les intéresser par sa
précision et son objectivité.
Ils
regretteront certainement avec moi qu'elle embrasse seulement les
dix premiers mois de la tourmente. Ils ne manqueront pas non plus de
constater qu'elle n'est pas signée. Son texte
dactylographié, est entre mes mains depuis trente ans. Toutes
les recherches que j'ai faites pour percer son anonymat sont
restées sans résultat. Un seule indication, et bien vague
: en parlant des écoles, l'auteur dit qu'elles sont ouvertes
« avec le concours des institutrices restées là-bas
». Ceci permet de penser que l'auteur, après avoir
vécu à Montmédy pendant les dix premiers mois, a
été rapatrié, à l'été 1915,
en France libre, où il l'a écrite, obligé
nécessairement de se limiter à la période
précitée.
Bien que portant
en tête la mention manuscrite: Confidentiel, je la donne telle
quelle, sans aucun commentaire. J'y ajoute seulement quelques
brèves annotations rectificatives de détail.
P.
ERRARD.
SOMMAIRE
La mobilisation. Les débuts de la guerre.
Mouvements de troupes. Combats autour de Montmédy (2-27
août).
L'évacuation de la garnison (27 août). - Combat de
Brandeville et Murvaux (29 août).
L'entrée des Allemands le 27 août; leur installation.
Les. chemins de fer.
Guillaume II à Montmédy. - Galanterie impériale.
Notes d'un officier allemand sur Marville.
Les amours du Kronprinz à Montmédy et Stenay.
L'attitude et les procédés des Allemands.
L'attitude de la population.
La Vie, les Vivres, le Ravitaillement, les Environs. |
|
La mobilisation
Les débuts de la guerre
Comme dans tout le reste de la France, la mobilisation s'effectua
à Montmédy avec une impeccable perfection, sans un seul
accroc. Dès la première heure, les trains militaires
commencent à se succéder sans interruption, venant de
Paris ou du Nord, chargés de troupes pleines d'entrain; ils
déposent à Montmédy beaucoup de mobilisés
de toutes armes qui se rendent à leur lieu de convocation avec
bonne humeur et résolution.
La place forte, représentée par la ville-haute, est
ausstôt mise en état de défense avec une
fiévreuse activité; cette opération eût
été facilitée encore, si l'on n'avait pas cru
devoir, il y a quelques années, supprimer la chefferie de
génie de Montmédy, pourtant de première
utilité dans une place frontière; il était
d'ailleurs question, depuis quelque temps, de la rétablir. En
avant des fossés et des remparts dans le roc, dus à
Vauban et capables de défier tous les 420 germano-autrichiens,
est installé tout un réseau de fils de fer
barbelés; on creuse des tranchées dans les prés et
champs environnants pour retarder l'investissement, empêcher
toute attaque de vive force et faciliter la défense mobile,
surtout au nord de la citadelle sur le Plateau du Haut des Forêts.
On arrête préventivement, pour les mettre en lieu
sûr, plusieurs individus d'origine étrangère,
signalés dés le temps de paix comme suspects.
A l'Arsenal règne une intense
activité; on y charge des obus sans discontinuer. Un
témoin oculaire, mobilisé, qui s'y rendait à ce
moment, dit que la place avait 45.000 obus disponibles (les Allemands
en tirèrent 20.000 sur Longwy au cours de leur bombardement de
cinq jours et cinq nuits). Un autre, appartenant également
à l'armée, nous parle de 200.000 obus et de 200 canons de
gros calibre qui y auraient été amenés. Cependant
on nous affirme qu'il n'y avait que deux batteries de 120, toutes les
autres pièces étant du calibre 90. Une de ces deux
batteries resta affectée aux remparts, de la citadelle; l'autre
fut employée pour la défense extérieure et
placée au-dessus de la gare, a flanc de côteau du versant
St-Martin qui termine le Haut des Forêts du côté de
la Ville-basse. Elle enfilera la ligne de chemin de fer et la
vallée de la Chiers, dans la direction de la Belgique et de
Longuyon.
Quant au tunnel de 835 mètres de long qui
s'ouvre à cent cinquante mètres de la gare, sur la voie
des Ardennes, il est miné de trois fourneaux reliés par
un cordon détonnant permettant de provoquer une explosion
simultanée. Au-dessus de son entrée, du côté
de la ville, une tranchée profonde est creusée et garnie
de mitrailleuses pour renforcer l'obstacle formé par les deux
portes en fer forgé placées depuis longtemps à
chaque orifice du souterrain pour en interdire l'accès à
volonté.
Entre temps, une compagnie du 165e est
envoyée occuper les hauteurs au-dessus de Villécloye sur
la rive gauche de la Chiers, Montmédy étant sur la rive
droite, du côté de Velosnes.
L'autorité militaire fait évacuer aux
200 habitants civils qui s'y trouvent, la ville-haute, qui est
entièrement et exclusivement occupée par la troupe. Ces
évacués se casent tant bien que mal à la
ville-basse, en partie dans les logis vides.
Le service postal et télégraphique fonctionne bien. De
même tes chemins de fer. Jusqu'au 24 août, trois trains
quotidiens assurent les communications régulières avec
Paris et Charleville. Le 11 août, jour de l'investissement
de Longwv, la voie des Ardennes est coupée à Longuyon, et
le lendemain plus à l'est, à Spincourt.
Depuis l'ouverture de la période de tension,
les habitants, les autorités et le service postal de la
Belgique, pour la partie comprise entre Montmédy et le
Grand-Duché de Luxembourg, renseignent spontanément et
minutieusement les autorités françaises sur les
opérations et mouvements des Allemands.
La ville est très animée et le succès de la
mobilisation communique à tous confiance et entrain. Chaque jour
les communiqués officiels sont affichés à la
Sous-Préfecture où une grande affluence de personnes
viennent les consulter pour satisfaire leur légitime
curiosité et échanger leurs impressions.
Des officiers de la garnison, rencontrés
à cette époque, déclarent que la place est en
état de tenir trois mois, et que toute la garnison est
décidée à faire son devoir.
Un incident est venu malheureusement attrister cette
heureuse période. Le capitaine Aucouturier, du 165e
d'infanterie, excellent officier, surmené par la somme de
travail fournie par lui depuis le premier jour de la mobilisation, est
pris d'un accès de fièvre chaude et à coups de
revolver blesse deux soldats; il faut le diriger sur Charleville. Le
gouverneur de la place, depuis quelques mois seulement à
Montmédy, l'y accompagne et reçoit là-bas un autre
commandement. Il est remplacé par le lieutenant-colonel Forez,
de la territoriale.
La garnison comprend environ 3500 hommes : le
bataillon du 165e s'y trouvant en temps de paix, commandé par le
commandant Hugues; un bataillon du 45e territorial, deux batteries du
5e régiment d'artillerie de forteresse, un détachement de
génie; d'autres de chasseurs forestiers, gendarmes, douaniers et
une section d'infirmiers militaires.
Mouvements de troupes
Combats autour de Montmédy
(2-27 août)
Dans les premiers jours d'août, nos troupes
commencent à affluer vers la frontière; débouchant
du secteur Consenvoye-Stenay, elles s'établissent sur les
hauteurs de Marville et s'échelonnent par Damvillers,
Romagne-sous-les-Côtes, Ornes, jusqu'à la région de
Verdun; pendant que d'autres se portent en couverture par Spincour,
Longuyon, Mangiennes; partout on creuse des tranchées, on
barricade rues et ruelles avec des chariots, et pendant une quinzaine
de jours, on se tient sur une vigilante défense pour permettre
l'entière concentration de nos corps d'armée.
Le 2 corps d'armée tout entier, dont
dépend Montmédy, se concentre dans ces parages. Le
quartier général du général Gérard,
d'Amiens, qui le commande, est installé au château de la
famille d'Imécourt à Louppy-sur-Loison, à 10
kilomètres en arrière de Montmédy.
Parmi les mouvements de diverses unités,
opérant dans celle région, nous pouvons mentionner ceux
du 91e régiment d''infanterie
(Mézières-Charleville) d'après le récit
qu'en a adressé l'un de ses officiers à L'Ardennais de
Paris.
Embarqué à Charleville le 1er
août, il débarque le même jour à Stenav sous
une chaleur torride; puis il gagne Vittarville, grâce à
une marche de 22 km. par Damvillers; il y reste huit jours, creusant
des tranchées, tirant sur les taubes qui s'aventurent
jusque-là.
Le 9 avril à 9 heures (lu matin,
départ pour soutenir un détachement t de chasseurs
à pied qui a dû reculer à Spincourt, faute
d'artillerie et devant un ennemi supérieur en nombre. Le soir,
cantonnement à Mangiennes.
Le lendemain commencent les combats de
Mangiennes-Pillon qu'il n'est pas dans notre cadre de retracer ici. Du
11 au 20 août, repos pour le régiment qui revient
rejoindre son corps d'armée à Jametz. Vers le 18 ou 20
août, l'ordre de marche en avant est donné. Pendant deux
jours et deux nuits, c'est un défilé interminable
à Montmédy, de cavalerie, d'artillerie, de convois de
toutes sortes, d'automobiles; tous les régiments se portent avec
allégresse vers la Belgique, vers l'ennemi...
Le 21 août à minuit, le 91e
régiment quitte Jametz et vient remplacer à Flassigny,
entre Marville et Montmédy, le 120e à 4 heures du matin.
On entend le canon tonner au loin, vers le Nord-Est, et à 10
heures du matin, départ pour Montmédy qu'on traverse
rapidement. Cantonnement
à Sommethonne , le premier village belge an nord1
de Montmédy, à 9 kiloniètres, sous un violent
orage.
Le canon tonne toujours au Nord-Est; des caissons d'artillerie passent
à toute vitesse; c'est la marche sur Neufchâteau qui
s'effectue.
Nos troupes, inférieures en nombre, se heurtent des effectifs
considérables, supérieurement abrités et
retranchés dans les bois qu'ils ont eu, depuis trois semaines,
le temps et le soin de mettre en état de défense; elles
doivent reculer avec de fortes perles, mais sans être
démoralisées.
Le 22, la bataille s'engage sur un nouveau front plus rapproche :
Florenville-Virton ; après des prodiges de valeur, là
encore il nous faut reculer; l'élan trop confiant et l'ardeur
imprudente de nos soldats et de leurs charges à la
baïonnette échouent contre le feu de mitrailleuses et
d'obus invisibles autant que formidables de l'ennemi.
Beaucoup d'entre eux, blessés, sont
ramenés à Montmédy par la ligne d'Ecouviez, en
voiture, en auto, sans avoir pu tirer un coup de fusil et sans avoir vu
les boches, tapis dans leurs terriers.
Le 91e quitte Sommethonne à 4 heures du matin
et à 6 heures, il arrive à Houdrigny et se déploie
derrière un petit bois en avant du village dans la direction de
Paliseul2, comme troupe de réserve.
En avant, tine division du 4e corps d'armée occupe les hauteurs
sous le feu des canons allemands.
A 7 heures du soir, nos 75 commencent à
entrer en danse; le 91e et trois autres régiments, formant un
front d'un kilomètre, reçoivent l'ordre de charger
à la baïonnette; ils arrivent jusqu'aux tranchées
allemandes malgré une pluie de mitraille, et l'ennemi fuit
devant eux.
C'est la victoire : hélas ! non, ce n'en est
que le mirage. La même nuit, nos troupes se replient et alors
commence cette retraite qui se prolongera jusqu'au réveil de la
Victoire de la Marne3 .
Aux convois de prisonniers des jours
précédents, succèdent dans les rues de
Montmédy les convois de blessés et de Belges fuyant
devant la barbarie de l'envahisseur, et colportant sur leur passage le
récit de leurs atrocités. Les blessés sont
immédiatement répartis dans tous les locaux
affectés à cet effet : salle des fêtes,
écoles supérieures de filles et de garçons,
hôpital militaire et hôpital civil, ils y reçoivent
les soins dévoués du personnel médical et
hospitalier de la section montmédienne de la Croix-Rouge, dont
l'abnégation et le zèle ne se démentiront pas un
seul instant.
Les soldats blessés légèrement
y subissent un premier pansement et sont dirigés sur Laon et
Charleville; seuls restent sur place les blessés non
transportables Le ]endemain 23, le 91e ou du moins son 2e bataillon,
après un repos de plusieurs heures, arrive vers 8 heures du soir
à Breux, village français à 9 kilom. au nord de
Montmédy, près de la frontière belge; il y
rencontre quelques soldats d'infanterie de marine, en désordre,
venant de Neufchâteau et qui font un récit attristé
de leur échec dans ces parages.
Le 24, à une heure du matin, départ;
à 7 heures, passage au village ardennais d'Herbeuval, toujours
le long de la frontière belge, puis rentrée dans la
Meuse; toute la matinée sert à creuser une
tranchée le long de la route d'Herbeuval à Thonne-le-Thil
sous le regard inquisiteur d'un taube. Ordre est donné de tenir
là jusqu'à 6 heures du soir.
A deux heures, premiers coups de canon; les avant-postes se replient
lentement. A 6 heures, les obus arrivent plus près des lignes;
ils tombent en grêle sur l'emplacement occupé le matin par
un parc d'artillerie et qui est par bonheur parti.
Les troupes traversent Thon ne-le-Thil au milieu des habitants
restés et tout tristes de voir le recul de nos troupes.
À la sortie du village, ils rencontrent et
dépassent le navrant exode des habitants avec le bétail
et ce qu'ils ont pu sauver.
Après plusieurs heures de marche, bivouac
près de Montmédy sur un plateau escarpé où
campent déjà plusieurs régiments.
Le lendemain 25 à 4 heures du matin,
départ du 91e et marche sur Stenay où il arrive au milieu
de la nuit avec un retard occasionné par l'encombrement des
routes par les convois d'artillerie, les émigrants.
A la sortie de Stenay, traversée d'un pont,
où un sapeur du génie, mêche allumée
à la main attend, pour le faire sauter, le passage du dernier
soldat ou voiture.
Derrière la Meuse, nos troupiers se reposent
quelques heures, dans un champ toujours avec défense de faire du
feu pour ne pas attirer l'attention de l'ennemi.
Le 26, reprise de la retraite à 4 heures du
matin par des chemins montueux et boisés pour laisser les routes
aux convois et échapper aux repérages de taubes.
Le train de ravitaillement attendu à Stenay
avant été pris par l'ennemi, il faut jeûner toute
la journée. On calme la faim en grignotant des grains de
blé, glanés dans les champs.
Bivouac à Beaufort avec deux régiments
dans un vaste champ où on prend un repos réparateur. A 11
heures, le 2e bataillon repart aux avant-postes dans la forêt de
Dieulet.
A 3 heures, il fait une nuit opaque trouée par les obus
éclairants des hoches; on est à 200 mètres de la
Meuse où on entend l'ennemi construire un pont. Le 27, on quitte
l'emplacement de cette nuit-là. Le 91e rencontre le 42e
d'artillerie qui annonce avoir mitraillé et décimé
l'adversaire. A 2 heures, marche sur la gauche vers les Ardennes dans
une clairière on rencontre tout un rassemblement de
blessés français et allemands avec des marsouins qui
prirent part au combat livré à Cesse quelques heures
auparavant; on laissa l'ennemi construire son pont sur la Meuse et nos
75 le démolirent quand y eurent passé des troupes
allemandes qui furent ensuite chargées et jetées à
la Meuse par nos fantassins.
A 5 heures du soir, nos mitrailleuses abattent un taube, dont les deux
passagers sont faits prisonniers au seul et au même cri de Vive
la France!
*
**
Le 24 août à 11 heures du matin, la
gare de Montmédy recevait l'ordre d'évacuer tout son
materiel et son personnel. Le soir même, il ne restait plus ni
une machine ni un wagon; les garde-voies recevaient à leur tour
l'ordre de se replier; un train d'évacuation les emmena à
Sedan d'où ils durent gagner Charleville à pied (20
kil.), car la gare de Sedan évacuait aussi son matériel
dans la nuit du 24 au 25 août.
Montmédy était isolé et livré à la
seule protection de sa garnison, les troupes françaises se
repliant sur la Meuse.
Divers engagements eurent lieu durant cette
période, à Marville entre autres.
Le 25 août, écrivait un officier
allemand sur un carnet de notes trouvé sur son cadavre, un petit
engagement Herbeuval, à la suite d'une prétendue
agression de soi-disant francs-tireurs contre les teutons, ceux-ci en
profitèrent pour, de leur propre aveu, fusiller 15 civils et
incendier une maison.
Le même jour, autre escarmouche dans ces
parages (à moins qu'il ne s'agisse de la même). Un peu en
arrière, entre Breux et Thonne-le-Thil, à 2 heures de
l'après-midi, 11douaniers de la brigade de Breux,
commandés par le sous-brigadier Triboulet, virent arriver du
village belge de Gérouville une trentaine de cyclistes et uhlans
boches. ils réussirent à les tenir en échec
pendant une heure et demie et en tuèrent cinq. Un
détachement de la garnison de Montmédy eut ainsi le temps
d'accourir à leur secours et de mettre l'ennemi en fuite
après un engagement qui dura jusqu'à la nuit.
Trois douaniers y furent blessés : les
préposés Peltier, Curier et Léon François;
ils furent ramenés en auto à l'hôpital de
Montmédy, et, de là, évacués sur celui de
Laon.
L'évacuation militaire de Mon tmédy
(27 août)
Les combats de Brandeville et de Murvaux
(29 août)
Ce fut le 27 août que la garnison de
Montmédy évacua la forteresse en exécution des
ordres reçus par elle de l'autorité supérieure, 48
heures auparavant, d'avoir à détruire les vivres,
munitions, rendre les canons inutilisables et se replier comme elle
pourrait vers l'intérieur du pays.
Des commentaires variés furent colportés et les bruits
les plus fantaisistes, tant cette décision parut
incompréhensible et en raison du silence officiel fait autour de
cet événement et de l'occupation de Montmédy par
les Allemands.
Le pays n'apprit d'ailleurs ces
événements que par le communiqué officiel allemand
qui annonça à la fois la défaite de Charleroi, la
prise de Givet et de Montmédy.
Au reçu de l'ordre ci-dessus
mentionné, les instructions qu'il contenait furent
exécutées sur-le-champ; les vivres furent détruits
ou avariés; on vida les bidons de pétrole sur les sacs de
farine, mais il y avait tant de denrées qu'il est douteux que
tout ait pu être détruit; seul un vaste incendie eût
pu les anéantir.
Les armes et canons furent mis hors d'usage; les
culasses des pieces d'artillerie démontées et
cachées, mais retrouvées en partie par les Allemands.
Il avait été question de faire sauter
la ville-haute, où le bruit en avait couru; aussi pendant une
partie de la journée beaucoup d'habitants de Montmédy-bas
quiltèrent la ville pour éviter dêtre ensevelis
sous les ruines de leurs maisons et se tinrent dans les champs
situés au-dessus de l'hospice civil.
Cette hypothèse d'une exécution
d'ailleurs presque impossible ne se réalisa pas. L'artillerie de
la place tira dans la journée 5 coups de canon en signal
d'alarme, dit-on; c'étaient les premiers et les derniers des
artilleurs français.
A 8
heures du soir, formée en une longue colonne, la garnison
quittait la ville-haute, commandant en tête; elle
défila devant l'Esplanade, au col de Tivoli, suivit le chemin de
la Chevée, traversa toute la ville-basse au milieu de la
consternation générale, franchit le pont sur la Chiers,
qui fut détruit partiellement derrière elle, gagna la
prairie du Brû et longea la voie du petit chemin de fer
Montmédy-Damvi!lers-Verdun dans l'espoir d'atteindre cette
dernière ville à l'abri du massif boisé qui forme
cette partie de l'Argonne.
Deux on trois jours plus tôt, cette
opération eût pu s'effectuer sans danger, mais à
cette date elle était périlleuse, car l'armée du
Kronprinz se dirigeait à marches forcées sur la Meuse,
dans une direction perpendiculaire à celle de la petite troupe;
leur rencontre était inévitable; ce fut ce qui arriva.
Le 27 août, les Allemands occupaient Jametz et les villages
voisins du Sud, vers Damvillers et continuaient leur avance.
A 2 kilomètres de Montmédy, dès
l'entrée en forêt, au lieu dit les Onze fontaines,
confluent d'un petit ruisseau avec la Chiers, on crut voir ou entendre
des détachements ennemis et un certain désarroi se
produisit dans la colonne; plusieurs soldats tombèrent à
la rivière et se noyèrent.
Après cette premiere émotion, on se
reforma et on reprit l'itinéraire fixé, toujours sous
bois; au point du jour on arriva à Han-les-Juvignv où
l'incident des Onze fontaines se reproduisit. Toute la journée
fut employée à rester sous le couvert des bois par
prudence, car on entendait le bruit des convois allemands en route et
on voulait attendre la nuit pour traverser les espaces
découverts afin de pouvoir échapper à la vue de
l'ennemi; on se nourrit à l'aide des vivres de réserve
emportés. Le 29 à l'aube, comme le flot ennemi ne cessait
de couler par la route de Murvaux et qu'il fallait passer coûte
que coûte, la garnison marcha sur Brandeville ; dans les bois
voisins, elle rencontra deux corps d'armée ennemis, les 13e et
14e, avec leur artillerie et leurs mitrailleuses. Les Français
étaient 3.200 et avaient laissé canons et mitrailleuses
à Montmédy. Les Allemands occupèrent les hauteurs
et ajoutèrent ce nouvel avantage à celui de la
supériorité numérique.
La bataille commença à 4 heures du
matin à la sortie du bois sur la route de Louppy à
Murvaux; l'attaque fut engagée par les 13e, 14e, 15e, 16e
compagnies du 165e; furent tués, le commandant Hugues, les
capitaines Basserot et Mathieu, du 165e, les adjudants Pellet, Dorigny
le sergent-fourrier Delahaye. Le lieutenant-Colonel Forez fut
blessé. Parmi les morts ou disparus, il faut compter aussi le
commandant Le Geay4 , commandant la
batterie d'artillerie; le capitaine Girard, commandant le
détachement du 3 génie, les sous-lieutenant,; Moll,
Cervantis5, le maréchal des logis
d'artillerie Marchand.
Un
survivant de ce combat raconte que sur 35 sous-officiers, il n'y en eut
que 5 qui ne furent pas blessés; il ajoute même, ce qui
n'est pas prouvé, que les Allemands, pour empêcher
les nôtres de tirer, avaient placé devant eux des
habitants de Brandeville.
Le feu terrible des canons et mitrailleuses boches refoule les
nôtres dans le bois avec des peites sanglantes. De toute la
bataille, ajoute un autre correspondant, je n'avais pas quitté
Moureaux, de Grand-Verneuil, mon sergent-major de section. Nous nous
défendîmes dans le fossé, à la
lisière. Joseph Demouzon6 et Joseph
Otelet7 firent le coup de feu avec moi et
disparurent. Une demi-heure avant de nous
rendre (cernés et pris entre deux feux) Marcel me rejoignit et
on ne se quitta plus. Conduits à Jametz en passant par Louppy,
le soir on a couché à Marville dans l'église, et
le lendemain à une heure du soir, on embarquait à
Longuvon pour Ingolstadt où on arrivait le lendemain à 4
heures soir et à 7 heures au fort Hartmann où nous
restâmes six mois. A 8 heures, deuxième
détachement; nous étions 750 de la garnison, Nahan de
Sommethonne; l'adjudant Bonnot8 ,
professeur; Rey9; Brion10
coiffeur; Lagosse11 architecte, Spiral,
étaient avec nous. Sur 23 de
Thonne-la-Long, à Montmédy, j'en connais 11 prisonniers:
lieutenant Klein, Grunevald, Caufman, Simonet. Pagès. Lambert.
L. Prignon, R. Lepaute, Demouzon Marcel, Demouzon Joseph, Demouzon J.-B.12
Le docteur Lorentz, médecin militaire de la
garnison, fut emmené avec son aide-major à Damvillers.
Les Allemands obligèrent les maires de
Murvaux et de Brandeville à faire enterrer les morts par les
habitants. On évalua le nombre de ceux-ci de notre
côté à 200 et celui des boches à un chiffre
supérieur.
Nos soldats survivants furent répartis dans les trois camps
allemands où ils sont encore : Ulm, lngolstadt, Stuttgart.
Très peu purent s'échapper. Les uns,
au nombre d'une quarantaine, gagnèrent Verdun au prix de
fatigues et de privations considérables, ayant dû vivre
dans les bois plusieurs jours consécutifs. Parmi eux, le soldat
GrandJean, de Vigneul-sous-Montniédy, le
maréchal-des-logis Joseph Pau, de Vouziers. Celui-ci dut
à une syncope opportune d'échapper aux balles de la
première sentinelle française qu'il rencontra et devant
laquelle il tomba d'épuisement. Quelques autres, peu soucieux
d'être emmenés en captivité, étaient
rentrés la veille à Montmédy et y avaient
échangé leurs effets militaires contre des effets civils.
D'autres enfin purent se dissimuler dans les bois et y vivre quelque
temps, ou furent recueillis par les habitants des villages voisins;
mais les Allemands en ayant eu vent, firent annoncer qu'ils
effectueraient des perquisitions domiciliaires et que tous ceux qui
abritaient des soldats français s'exposaient à être
fusillés ainsi que ceux-ci. voir annexe
Tout un détachement parvint à
s'échapper; il était ainsi composé : MM.
Barthélémy, adjudant au 165e; Derupt caporal territorial
au 3e génie; Jacob, caporal rengagé au 165e; Buigrand,
réserviste au 165e; Mauclaire, du 5e d'artillerie;
Lévêque, du même corps; Benoit Lefèvre et
Biasse, du 165e; le brigadier des douanes Chavet, de Velosnes : ils
vécurent 55 jours en forêt, d'abord pendant 5 jours de
leurs vivres de conserve : biscuits, sardines, puis de pommes de terre
ou'ils arrachaient avec leurs mains dans les champs près de
Quincv, à 6 kilomètres de Montmédy.
Enfin une corvée de deux hommes ayant
été aperçue par l'ennemi, ceux-ci la suivirent
pour voir où elle allait, et, peu après, les fugitifs
furent cernés par un fort détachement boche. Il n'y avait
qu'à se rendre, car, mourant de faim, ces hommes étaient
à bout de forces; c'était le 28 octobre, à
Brandeville; ils furent conduits à Loison, et de là en
Allemagne.
Un douanier de la brigade d'Ecouviez, Baucard,
depuis incorporé au 5e bataillon de douaniers, 3e compagnie,
à Château-Thierrv, chercha à gagner Verdun de son
côté. Arrêté à Murvaux par des
artilleurs allemands qui installaient une batterie, ils lui arrachent
les bandes de son pantalon, les boutons de son uniforme. Deux heures
plums tard, il parvient à s'échapper au milieu des
hurlements de rage de l'ennemi et gagne la forêt; comme elle
était cernée, il ne put en sortir et il y resta quatre
jours sans manger. Il réussit à pénétrer
dans un moulin dont le patron le restaura et lui donna des
vêtements civils; il y travailla du 6 au 11 septembre, mais 10000
boches parcouraient la région et ramassaient chaque jour des
soldats évadés comme lui; il décampa et put
successivement gagner sans encombre Bazeilles près
Montmédy, puis Ecouviez et un village belge voisin où il
se terra quelque temps.
Un soldat de la garnison, H. Charton, qui
était tombé dans la Cliiers lors de l'alerte des Onze
fontaines, réussit à s'échapper, à se
procurer des effets civils: il vécut plusieurs mois dans les
bois, restant plusieurs jours sans manger. Il put gagner la Belgique,
la Hollande, et rentra en France où il reprit du service.
Plusieurs autres soldats avaient pu se réfugier dans un
important village voisin, tout proche de Stenay, et y auraient
été recueillis et nourris par des habitants jusqu'au jour
où ils furent dénoncés; le conseiller municipal
faisant fonctions de maire fut menacé d'être
fusillé et ne
dut la vie qu'à l'intervention et aux protestations
énergiques de plusieurs courageux citoyens, grâce il quoi
il fut emmené en Allemagne, ainsi que les soldats
dissimulés par de bons Français de l'endroit13.
Nous
recevons la lettre suivante
« Comme j'étais parmi les combattants,
et un des rares oui n'ont pas été fails prisonniers, je
tiens à vous signaler la conduite héroïque de mon
collègue Brule, brigadier des douanes à Montmédy,
sergent-major à notre compagnie, qui fut tué d'une balle
au cœur, face è l'ennemi, en entraînant sa section dans
une charge à la baïonnette, à hauteur de la route de
Murvaux.
« Tombé à mes
côtés, je sais où son corps peut reposer et j'ai pu
lui enlever sa montre comme souvenir d'un brave, tué au champ
d'honneur. Cette relique sera remise à sa famille par mes soins
aussitôt que le pays où, malheureusement, cette
dernière est restée, sera libéré de
nos ennemis. »
Dogny Jules,
Sergent au 5e bataillon de douaniers. 3e Cie,
Secteur postal n° 27,
avant guerre, brigadier des douanes a Chauvency-le-Château.
L'entrée et L'installation des Allemands à Montmédy
(29 août)
Entre le depart de la garnison de Montmédy et l'entrée
des Allemands, il s'écoula un intervalle de plus de 24 heures.
Ce fut en effet le surlendemain 29 août, à 3 heures du
matin, que ces derniers, venant de la direction de
Thonne-le-Thil-Carignan, y firent leur entrée; ils
occupèrent simultanément la ville-haute et la ville-basse
avec leurs precautions habituelles; les troupes rasaient les maison
afin
d'échapper à une fusillade possible des fenêtres et
de pouvoir y répondre plus facilement que du milieu de la
chaussée, où ils pouvaient être canardés des
deux côtés.
Ils furent tout droit chez le maire et prirent ensuite officiellement
possession de la citadelle et de la ville; dès le lendemain,
leur nombre augmenta considérablement et ils occupèrent
les divers hôpitaux où il était resté des
blessés français.
La Kommandantur s'installa dans la nouvelle maison
Hamot-Richard, près du bureau de poste, la direction des
étapes en face à la Sous-Préfecture. Les lazarets,
nom allemand des hôpitaux, furent installés dans les
locaux propres à cet office et déjà
utilisés par nos troupes. Les blessés à la
tête furent soignés à l'école
supérieure des filles, où on installa aussi un atelier de
réparations des armes. D'autres furent installés dans le
vaste local de la petite vitesse à la gare, à la salle
des fêtes, à l'hôpital militaire, à
l'hôpital civil, à l'école supérieure de
garçons.
Les typhiques furent transportés à la ville-haute; on y
plaça aussi les blessés français restés sur
place; ils se louaient des bons soins d'une infirmière
luxembourgeoise chargée de leur service, qui les soignait et
conversait en français avec eux.
Un lazaret pour officiers fut aménagé
dans la maison Francois-Albustroff, rue du Luxembourg.
Avec leur personnel hospitalier et médical, les Allemands
amenèrent des aumôniers, des infirmières,
appelées par eux des diaconesses, et dont les moeurs et la tenue
laissèrent plutôt à désirer.
Tous les blessés hoches de l'Argonne furent
ramenés à Montmédv, qui devint le grand centre
d'évacuation et d'hospitalisation de la région; il y en
avait une moyenne de 2.000 en permanence dans les locaux
spéciaux; actuellement il n'y en a plus que quelques-uns.
Beaucoup moururent, ainsi qu'un certain nombre de blessés
français;on en enterra pêle-mêle plus de 1.200, sans
distinction de
nationalité, au cimetière de la ville-basse, près
du caveau provisoire et dans la fosse réservée aux
soldats français morts an siège de 1870; malgré
l'emploi de chlore et de chaux, ce fut un vrai charnier et une
épouvantable infection ; d'autres furent enterrés, au
cimetière de la ville-haute.
Tous les services militaires et hospitaliers se trouvèrent
bientôt réunis à Montmédv : dentistes
militaires en grand nombre, compagnies de chauffeurs automobilistes,
officiers du service des postes et télégraphes. Ces
derniers, tous logés dans la rue de Chiny, service
d'état-major.
On y trouve même toute une dynastie Von
Gemmingen, barons, comme tout officier allemand qui se respecte; l'un
d'eux était colonel, l'autre adjudant et subordonné au
premier et le troisième, chef de la Croix-Rouge.
Le second de cette trinité, dont le chef
était orné d'une superbe casquette couleur canari, avait
de fréquents rapports, d'ailleurs corrects, avec la population.
Il y avait aussi un général du nom de
Cerno, logé à la Sons-Préfecture, et antipathique
à la population. Entre ces divers organismes, l'harmonie ne
régnait pas toujours, et il y avait souvent des conflits
d'attributions et d'autorité.
Pendant quelque temps, il y eut même deux
Kommandanturs. la deuxième venant de Pierrepont fut
installée au « Journal de Montmédy », en face
l'église; mais elle n'eut qu'une durée
éphémère.
Il y a un millier de soldats allemands à
Montmédy, comprenant surtout les hommes évacués du
front pour se reposer avant d'y repartir. Il y a peu de sous-officiers.
Par contre, il y a beaucoup de médecins, qui passent pour les
meilleurs de l'Allemagne.
Les Allempands
commencèrent par réparer le pont routier sur la Chiers.
entre le cimetière et le square Buvignier, dont les
Français avaient fait sauter une arche en partant. La
circulation y fut vite rétablie. Ils s'employèrent de
même sans retard à remettre en état les voies
ferrées coupées. Ils démolirent le hangar
d'aviation militaire récemment édifié sur le
plateau du Haut des Forêts et le transportèrent dans la
vallée, plus à l'abri des avions français, dans la
pointe de terrain limitée, à la sortie de
Thonne-1es-Prés, par la ferme Baudot, la voie des Ardennes et la
route Stenay-Montmédy. Ils y installèrent aussi leur parc
d'aviation, d'abord situé de l'autre côté de la
route, d'où les inondations hivernales les forcèrent
à l'enlever.
Leur parc d'automobiles fut installé à
Ecouviez, à 9 kilomètres au nord-est de Montmédy.
Sur la grand'place de Montmédy, ils construisirent deux grands
hangars en bois pour servir de garages aux nombreuses autos qui
sillonnent
les rues de la ville jour et nuit.
A Tivoli, près de la ville-haute, sont
installés un poste de télégraphie sans fil et un
canon pour aéroplanes avec munitions et un poste permanent.
Ils n'ont pas fait de travaux spéciaux de
défense à Montmédy; toutefois ils en ont
exécuté au dehors, car la route de Verdun est interdite
aux habitants, et il faut, pour franchir la Chiers, un sauf-conduit
délivré par le bureau des passeports, installé
à l'hôtel-de-ville.
L'éclairage électrique a
été conservé et développé par eux,
à l'aide de nouvelles machines productrices de force
amenées d'Allemagne. De cette façon, les rues sont
éclairées toute la nuit, pour faciliter les mouvements de
troupes et pour empêcher les autos de se heurter dans les rails
de la voie ferrée qui traverse la ville dans toute sa longueur.
Ils font d'ailleurs payer par la ville cet éclairage public qui
est très onéreux pour celle-ci.
La lumière électrique continue
d'être fournie aux habitants. Ils en paient le prix chaque mois
à un agent de la mairie qui passe à domicile; le produit
en est versé aux Allemands qui dirigent et exploitent l'usine
à leur compte, le directeur-propriétaire, M. Duvernoy,
incorporé à la garnison de Montmédy, étant
prisonnier de guerre à Stuttgart.
Les boches se servent aussi des pompes à
incendie de la ville pour éteindre les commencements d'incendie
que leurs imprudences ou leur ébriété ont
provoqués; mais ils en ont fait venir également
d'Allemagne.
Ils entretiennent les routes en bon état, les
empierrent et les réparent; le rouleau à vapeur y circule
constamment, même en hiver; au début de 1915, en
prévision d'une retraite possible, ils ont miné routes et
ponts de la région, ainsi que les voies ferrées; ils ont
dissimulé en outre des canons aux abords de la place de
manière à les rendre invisibles aux assaillants en cas
d'attaque, et ont creusé des tranchées sur la côte
Saint- [blanc] , sur les hauteurs de Gérouville et Virton, en
arrière de Montmédy.
Il y a dans cette ville environ 700 prisonniers
français internés à la ville-haute dans les
casemates et chargés du nettoiement des rues de la ville-basse,
des cabinets des particuliers, etc., sous la surveillance de soldats
boches. Ils n'étaient ni trop malheureux ni trop
maltraités; la Croix-Rouge montmédienne leur fournissait
de son mieux denrées alimentaires, tabac, vêtements; une
petite fête fut organisée à Noël à leur
intention, par cette oeuvre de bienfaisance; mais depuis peu
l'autorité allemande a supprimé toute relation entre les
habitants et les prisonniers. Au début de l'occupation, ces
derniers furent employés aux travaux de construction des
diverses voies feres créées par les Allemands. Comme tous
leurs camarades restés en captivité, ils ne peuvent
écrire au dehors.
Les chemins de fer
Contrairement à ce qui fut dit et
écrit dans divers journaux de l'Est, les Allemands n'avaient pas
créé de ligne de chemin de fer, même à voie
étroite : 1° de Chauvency-le-Château à Stenay;
2° de Spincourt à Dun-sur-Meuse et Montfaucon; il n'y en a
qu'une, à notre connaissance, de Spincourt à Darnvillers,
et prolongée jusqu'à [blanc]
Par contre, à Montmédy, ils se sont
offert le luxe d'en créer trois :
La premiere construite par eux est une ligne
à voie étroite partant de la gare de la ligne des
Ardennes, traverse obliquement le jardin de la gare, dont les arbres
sont rasés, et dont l'emplacement est couvert de baraques en
bois, pleines de houille et de produits ou outils divers.
De là, sur l'emplacement de la maison Arthur Neveux, qui a
été rasée à cet effet, et qui bordait
l'avenue de la Gare à son entrée en venant de la ville,
elle emprunte le milieu de la route nationale Sedan-Verdun devant la
Caisse d'épargne, la Sous-Préfecture, biaise pour raser
la maison
Hamot-Richard, file entre le bureau de poste et l'école
spérieure de filles par la rue de l'Isle, rase les maisons Uhl,
Gravis, boulanger, remonte à droite au coin de la rue
Ernest-Mabille qu'elle suit dans toute sa longueur en empruntant une
partie du trottoir du côté de l'église.
Devant l'hôpital militaire, à l'aide d'un énorme
remblai construit par les boches, la voie s'étire et traverse
l'emplacement des maisons Mahut, Migeon et le patronage catholique, oui
ont été démolis à cet effet, ainsi que la
partie postérieure de la maison Darville, dont,
malencontreuseument, la façade subsiste, pour gagner les champs
entre la maison Coutin et l'école supérieure de
garçons; de là, à flanc de talus, elle vient
mourir au Mont Cé où, pendant quelque temps, elle se
raccordait à une voie large qui Y passait également et
dont il va être parlé. Depuis, ce raccordement a
été supprimé, et ce tronçon est, à
partir de l'école supérieure de garçons, sans
emploi et sans utilité.
Les Allemands ont greffé un branchement qui s'en sépare
derriere cette école, franchit la Chiers sur un pont,
qui fut enlevé par les crues de l'hiver dernier, puis
rétabli; il rejoint la ligne Montmédy-Verdun à
voie étroite dans la prairie du Brû.
On ne s'explique pas la raison de celle construction
puisque la voie Montmédy-Verdun existait toujours par la prairie
de Clave et du Brû sans dégradation.
Celle petite ligne a fait un trafic intense; elle ramenait et continue
à ramener les blessés venant de la direction de
Damvillers; elle ramène aussi la nuit les plus beaux arbres de
nos forêts que ces barbares abattent pour expédier chez
eux et qu'ils transbordent la nuit à la gare de la ligne des
Ardennes, comme s'ils avaient honte de leur mauvais coup. Elle
véhicule aussi des munitions, des vivres, du foin, de la paille.
Tous les noyers de la région ont été abattus pour
faire des crosses de fusils.
La troisième ligne boche est la plus
importante. Quand la garnison française évacua la
citadelle, elle fit sauter le tunnel à trois endroits, le
détruisant ainsi pour longtemps. On n'eut jamais de nouvelles du
sous-officier d'artillerie chargé de le faire sauter, on suppose
qu'il a péri; il avait fait campagne aux colonies.
Un éboulement, accompagné d'inondation, s'y étant
produit il y a une vingtaine d'années, il fallut un an de
travaux pénibles pour le réparer et y rétablir la
circulation. Les Allemands se rendirent compte qu'ils ne pourraient
obtenir pareil résultat sans des efforts encore plus longs et
considérables.
Avant de partir, la garnison française avait
eu l'intention de faire sauter le viaduc de Thonne-les-Prés,
faisant suite au tunnel, et dont les 17 arches surplombent et enjambent
la vallée de la Thonne au-dessus du village de
Thonne-les-Prés. Le génie entoura même la pile du
milieu d'un cordon Bickford en vue de la faire sauter la
mélinite, mais au dernier moment. ordre fut donné de
surseoir et les choses restèrent en l'état.
Il faut le regretter, car la destruction du viaduc aurait obligé
l'ennemi à traverser les vallées de la Thonne et de la
Chiers dans toute leur largeur pour y prolonger leur voieferrée.
ce qui eût exigé de leur part l'établissement d'un
remblai considérable et quelques mois de travail de plus.
Aim contraire, avec la situation qu'ils
trouvèrent, il leur suffit de faire partir un raccordement
à deux voies larges de l'extrémité du viaduc
voisin du tunnel par un coude longeant la partie nord du parc de Beuviot14, coupant la route
Thonne-les-Prés-Montmédy-haut un peu au-dessus de son
croisement avec la roule Montmédy-Stenay ; il traverse ensuite
cette route au lieudit les Oeillons, remonte au
pied dit Mont Cé où elle traverse la route
Montmédy-Vigneul un peu en-dessous de son intersection avec la
route 47 (Montmédy-Stenay). Ensuite la ligne longe cette
dernière à droite, au-dessus de la Chiers, jusqu'au
jardin Santt, où elle la coupe à nouveau pour gagner
l'ancien bastion des fortifications de Montmédy-bas dominant la
route, suit dans toute sa longueur le parc Cochard, traverse
perpendiculairement la rue de Chiny, file dans le jardin Spiral entre
les maisons Cailleteau et Delaval, iraverse le jardin lthier, coupe
perpendiculairement la rue de Sedan sur l'emplacement de l'atelier de
menuiserie Harman, démoli pour livrer passage, écorne le
jardin Bailleux, passe contre la poudrière militaire, traverse
les baraquements militaires en bois construits par les boches en 1870
et dont un des bâtiments fut démoli pour lui livrer
passage, le jardin potager de la Sous-Préfecture, la route de la
Chevée près de la maison Adam, et vient se raccorder
à la voie des Ardennes à l'ancien passage à niveau.
Par cette ligne, il se fait un transit important
jour et nuit; parfois il y passe 90 trains en 24 heures (la moyenne au
temps de paix était de 140), qu'il faut parfois deux locomotives
pour remorquer, tellement ils sont chargés.
Le jour, il y passe de nombreux trains sanitaires
vides en montant et chargés de blessés en redescendant la
nuit. Les trains de voyageurs véhiculent des soldats vers Sedan
ou l'Allemagne par Ecouviez et Longuvon. Les trains de marchandises
arrivent du Nord, chargés de ferrailles, betteraves, de
matériel de guerre endommagé (autos, canons, caissons,
etc.); tous ces trains sont accompagnés de soldats armés.
La même erreur stratégique qui s'opposa
à la destruction du viaduc de Thonne-les-Prés
empêcha celle du pont du chemin de fer sur la Chier à
Ginvry (7 kilom. de Montmédv) , Chauvency-le-Château (4
kilom.), Grand-Verneuil (1 kilom ) , et cependant, à Chauvency,
on avait détruit le pont de la route sur la Chiers, Ces
destructions auraient rendu pendant quelque temps, indisponible la voie
des Ardennes et celle de Montmédy-Ecouviez-Luxernbourg.
Les deux tunnels existant entre Montmédy et
Longuyon furent détruits par les Français en août
1914, mais les ennemis les réparèrent assez vite, et, en
attendant, ils établirent des deviations contournant les
collines qu'ils traversaient. ce qui leur permit de rétablir
rapidement la régularité et la continuité de la
circulation.
Guillaume II à Montmédy
Galanterie impériale
Notes d'un officier allemand sur Marville
L'empereur de toutes les Allemagnes honora (!)
p1sieurs fois la ville de Montmédy de son auguste
présence.
Ses déplacements étaient entourés d'un tel
mystère qu'on ne sait s'il y coucha. Cependant on disait que des
appartements étaient toujours prêts pour lui et le
Kronprinz à la Sous-Préfecture. Ce qui le laisserait
supposer, c'est qu'en ltout temps. l'entrée de cet
édifice, occupé par le service
des étapes et l'intendance, est rigoureusement interdit à
tout le monde. La même particularité se rencontre à
Vouziers, où le Kaiser vint plusieurs fois.
L'empereur arrivait toujours en auto
découverte, précédé et suivi de plusieurs
autres. Une fois même, il passa ses troupes en revue sur la place
de la Sous-Préfecture, où, d'ordinaire, ont lieu les
revues du 14 juillet. Une gravure de la revue illustrée
allemande Die Woche (La Semaine), vendue à Montmédy, le
représente devant la maison Hamot-Richard, siège de la
Kommandantur, pendant que ses soldats défilent devant lui. Les
commerçants allemands élablis à Montmédy
vendent aussi des cartes postales illustrées représentant
cette scène.
Son Impériale Majesté traversa
Marville, village éloigné de 12 kilom. de
Montmédv, à deux reprises: la première fois, elle
y coucha dans la maison de M. Edmond Mouton, ancien maire,
décédé lors de l'entrée des Allemands qui
fusillèrent un habitant de la localité, M. Bertignon,
ancien receveur de la régie, sans motif, en y
pénétrant.
Cette habitation était confiée à la garde de deux
dames de Marville; en remerciement de l'hospitalité qu'il s'y
adjugea, l'empereur donna à l'une d'elles une lettre de
sauvegarde pour cette maison et pour sa personne pendant toute la
durée de la guerre.
Quelque temps après, il repassait à
Marville avec l'impératrice; à cette occasion,
défense fut faite aux habitants de sortir ou stationner dans les
rues pendant son passage.
[On n'a pas jugé opportun de reproduire ici
une assertion de l'auteur anonyme, trouvée en partie
tendancieuse et en partie inexacte.]
*
**
A propos du passage des Allemands à Marville,
un officier qui en est originaire, le lieutenant Laurent, fit
prisonnier un officier allemand, sur lequel il trouva les indications
suivantes :
« 17 septembre. J'habite Marville, dans une
maison qui a l'électricité (celle de M. Fernand Simon).
Les Français sont bien peu pratiques. Ils pouvaient mettre
l'électricité dans tout le pays. Nous fusillons un
paysan, je ne sais pas pourquoi. Contrairement aux autres pays que j'ai
traversés, Marville a peu souffert, à peine 30 maisons de
détruites. J'irai voir les crânes que les Français
ont retirés du champ de bataille de 1870. (Il s'agit de
l'ossuaire de Saint-Hilaire, bien antérieur à 1870.)
« 18 septembre. - Nous partons pour Dun,
où on entend la canonnade. »
Von Grafold,
lieutenant d'infanterie au 36e bataillon de pionniers.
Les amours du Kronprinz à Montmédy et Stenay
Lors de la première invasion prussienne en 1792,
Frédéric-Guillaume II, Roi de Prusse, qui, lui non plus,
ne brillait ni par l'esprit ni par l'intelligence, mais qui, au moins,
était un bel homme, avait vu une châtelaine francaise
s'amouracher de lui et devenir sa favorite, et la traînait avec
lui au cours de sa courte campagne.
Les Français dirent malicieusement, à
cette époque, que c'étaient les seuls lauriers qu'il
emportait de France.
L'actuel Kronprinz, au profil d'aztèque,
simiesque, pourra donner lieu aux mêmes réflexions. La
gloire et la popularité, il ne les a connues qu'en faisant
sculpter son faciès en tête de pipe qu'il envoya à
ses soldats dans l'Argonne au 1er janvier 1915.
Quant à ses succès, ils consistèrent dans
l'effraction de quelques maisons, leur pillage, la mise à mal de
nos meilleures caves, et aussi la prise de vertus plus faciles à
enlever que les forts de Verdun, cc qui provoqua dans la presse
allemande, pourtant peu chatouilleuse, de sévères
commentaires.
Déjà, dans le Grand-Duché de
Luxembourg, à Esch-surAlzette, où il avait établi
son quartier général, il scandalisait les Luxembourgeois
en traversant les rues de leur capitale en voiture découverte
avec une beauté de l'endroit, peu farouche, qu'il avait
subjuguée, bien qu'il fut marié et à la veille
d'être père de nouveau. Aussi pour couper court au
scandale et aux réflexions, Guillaume II le colla-t-il aux
arrêts de rigueur.
On sail qu'à Varennes-en-Argonne, il
était accompagné de tout un sérail boche
amené dans ses fourgons, qui campait sous des tentes, et qu'on
faisait passer pour des étudiantes allemandes.
Pendant ses séjours à Stenay et
Montmédy, il obtint les faveurs de plusieurs habitantes de
Stenay, dont une jeune fille. Il récompensa les complaisances de
celle-ci en installant un magasin d'épicerie pour sa
mère. De fréquentes promenades en auto étaient
faites en tête à tête, le quartier
général se trouvant au château des Tilleuls,
à Stenay. Etant à Montmédy, on l'appelait la
Kronprincessin. A chaque visite du Kaiser à Stenay, une gerbe de
fleurs lui était offerte au sortir dc la messe, sur le portail
de l'église, par celle qui jouit des faveurs du fils. La femme
du Kronprinz, venue à Stenay courant de février, a
reçu, elle aussi, une magnifique gerbe de fleurs de l'amie de
son mari... Elle ignorait sans doute cette parenté de la main
gauche.
L'héritier de la couronne se complaît
d'ailleurs avec des créatures que le dernier des soldats
français ne voudrait pas toucher avec des pincettes.
L'attitude et les procédés
allemands
La surprise de l'ennemi fut si grande d'entrer
à Montmédv sans résistance que c'est
peut-être à cette particuilarité que la ville dut
de n'être pas trop maltraiée. Ce fut une des rares,
cités occupées par eux, qui n'eut pas à payer de
contribution de guerre.
Sans doute, les envahisseurs pillèrent toutes les maisons
inhabitées, mais ils furent moins cruels qu'en Belgique.
D'ailleurs, et comme en 1870, les occupants des premiers jours furent
bientôt remplacés par des hommes du landsturm plus rassis
et plus débonnaires, pères de famille, et moins
surexcités par des combats quotidiens. Les soldats allemands
finirent même par donner de leur pain KK aux habitants pauvres.
Ils touchaient trois pains par semaine et suffisamment de viande. En
arrivant, les boches passèrent en revue les vases de nuit des
habitants — chacun prend son plaisir où il le trouve — afin de
s'édifier de visu et de sentu sur la réputation de
saleté et de pourriture des Français qu'on leur inculque.
Une personne chez qui ils n'en trouvèrent pas, fut soumise
à un interrogatoire en règle et plutôt comique,
quoiqu'un peu embarrassant pour expliquer en détail cette
absence de récipients et justifier comment elle pouvait s'en
passer. Pour un peu, on lui eût fait mimer la scène.
Leur première préoccupation , à
leur arrivée, fut la visite et l'inventaire des caves,
effectués avec le concours forcé de M. Collet, un des
doyens du Conseil municipal, réquisitionné à cet
effet; il fut chargé aussi, dans les premiers temps du service
de balayage des rues et places de la ville avec les garçons de
14 à 17 ans, préposés à cette
opération. Plus tard, cette besogne fut confiée aux
prisonniers français. Ces diverses marques de confiance ( !)
n'évitèrent pas à M. Collet, homme fort paisible
et des plus honorables, âgé de 70 ans, les pires
mésaventures; au contraire elles semblèrent les attirer
sur lui.
Le 31 octobre, il 10 heures du soir, il fut
réveillé par de violents coups de crosse dans porte;
c'étaient les Allemands qui venaient perquisitionner chez lui,
l'accusant d'appartenir à un service secret de renseignements et
de n'avoir pas signalé, comme il aurait dû le faire,
étant conseiller municipal, des voisins qui avaient
enterré des armes dans un jardin contigu au sien. Il s'agissait
de la famille Jacquemin, dont un des membres est chef armurier et avait
laissé à Montmédy une panoplie d'armes que ses
parents avaient cru prudent d'enfouir, ce dont les boches fuirent
néanmoins informés; ils emmenèrent cette famille
au poste, la questionnèrent et finirent par la relâcher
devant l'évidence de sa bonne foi. Pendant une heure, ils
fouillèrent et bouleversèrent tout chez M. Collet
sans rien trouver; ils l'emmenèrent avec sa femme pour les
incarcérer, lui dans la ville-haute, et elle au violon
niunicipal, où elle passa la nuit, vêtue d'un seul
peignoir, dans une cave humide et froide. Comme M. Collet voyait ses
gardiens bousculer sa femme, il voulut intervenir et la
protéger; mal lui en prit; il fut assailli de coups de crosse et
en eut même l'épaule démolie; il fut conduit
à la ville-haute, jeté dans une buanderie près de
l'église, où il passa la nuit et le lendemain
enfermé dans la maison d'arrêt où il souffrit
beaucoup; il y fut mis au secret ainsi que M. Emile Grandjean, maire de
Jametz, M. et Mme Guasquin, de
Dun-sur-Meuse, sous l'inculpation collective énoncée plus
haut. Le 7 décembre, on les conduisit à Rastadt,
où ils séjournèrent plusieurs mois et furent
rongés de vermine. Le 7 février, il rentrait en France,
libéré, mais entièrement sourd; Madame Guasquin
fut rapatriée quelques jours plus tard. MM. Guasquin et
Grandjean, ayant avoué moins de 60 ans, furent maintenus en
captivité en raison de leur âge. Au début de
l'occupation, les boches fusillèrent un vieillard de 80 ans, M.
Deplaye, de Fresnois, écart de Montmédy, chez qui on
avait trouvé, au fond d'une malle, un vieux pistolet à
pierre; ils envoyèrent en Allemagne, comme prisonnier, son fils,
ancien sous-officier de gendarmerie, dont on n'eut jamais de nouvelles.
La mortalité ne sévit pas beaucoup
parmi les habitants; on ne cite guère, comme morts, que Mesdames
Pierrot-Caumont, du « Journal de Montmédy »,
Renson-Berque, Leclerc, femme du photographe; MM. Corneroute,
restaurateur, Emile Viesselet, ancien chapelier.
Il nous faut mentionner un incident qui
démontre jusque dans les plus petites choses l'étendue de
l'hypocrisie allemande.
Une dame de Montmédy-haut avait
été transférée dans l'ancien
presbytère de la ville-basse (maison Ponsignon) elle avait la
garde et la surveillance des objets du culte, vêtements
sacerdotaux, qui étaient réunis là, tout
près de l'église. Dans cet immeuble logeaient aussi des
infirmiers militaires allemands. Ceux-ci aperçurent l'uniforme
de Suisse, qu'ils prirent peut-être pour un uniforme de
général français ou eurent l'intention de faire
passer comme tel. Ils s'en emparèrent donc comme d'un
précieux trophée; mais la vigilante gardienne de la
garde-robe d'église veillait elle découvrit le
pot-aux-roses, qu'elle signala à la Kommandantur.
Grand émoi devant la gravité de cette
accusation qui entachait l'honneur et la réputation
d'honnêteté de l'armée allemande. Pourtant devant
la precision des détails et l'insistance de la plaignante, il
fallut se rendre à l'évidence des faits. Promesse d'une
punition sévère pour faire un exemple; bref, l'affaire
tourna plus ou moins en eau de boudin et l'uniforme fut rendu, tout
comme an temps oùFrédéric-le-Grand restituait le
moulin de Sans-Souci et volait des provinces.
A Damvillers, chef-lieu de canton distant de 22 kilom. de
Montmédy et pays natal du grand peintre Jules Bastien-Lepage,
ils ont pillé la maison de ce dernier, où son
frère, M. Emile Bastien-Lepage, conservait avec une pieuse
fierté les premières études de son regretté
frère; ils ont ramené ces toiles au Musée de
Montmédy, et ils justifient ce cambriolage en disant aux
Montmédiens que ce déménagement constitue une mise
en sûreté prouvant leur sympathie pour les arts.
Ils se livrèrent aussi plusieurs fois en octobre dernier
à des perquisitions inopinées chez les habitants
possédant le téléphone, qui, d'après eux,
servait à communiquer avec les Français, accusation
invraisemblable, puisqu'ils détenaient le bureau de poste; ces
perquisitions
s'accompagnèrent de séquestration des personnes où
avaient lieu ces descentes, pendant plusieurs heures, parfois
vingt-quatre.
Vers le milieu de novembre, une jeune fille de 17
ans, fut dirigée sur l'Allemagne dans les conditions suivantes :
Son minois ayant plus à un officier allemand,
un vieux barbon la trogne rougeaude et embroussaillée, celui-ci
la suivait constamment dans la rue avec insistance; un beau jour, il
lui adressa la parole et lui fit des propositions que l'on devine. La
jeune fille l'envoya promener en le traitant de vieux.. Fureur du
boche, plainte à la Konmmandantur, comparution de la
délinquante devant celui-ci, où on lui déclara que
son cas était grave, car elle avait insulté un officier
allemand. Elle n'eut pas de peine à se justifier, mais elle
reçut une sérieuse mercuriale; il lui fut dit que les
entreprises dont elle avait été l'objet ne se
renouvelleraient pas et qu'elle pouvait, en toute
sécurité, rentrer chez elle. Quelques jours après,
elle était enlevée et expédiée sur Rastadt,
où elle demeura quelque temps, puis fut rapatriée par la
Suisse.
Un gardien de prison, M. Martin, fut condamné
par le conseil de guerre à être emprisonné dans une
forteresse pendant plusieurs mois, pour avoir crié : Vive la
France! à l'enterrement d'un blessé francais!
Les boches ne cachent pas leur rancune envers MM.
Poncaré, Edward Grey et Delcassé, qui sont leurs trois
bêtes noires; ils ont dessiné des caricatures à la
craie du premier sur les murs de leurs hangars, où ils le
représentent, avec leur esprit particuliers, affublé d'un
costume d e paysan, d'un panier et d'un parapluie campagnard. Par
contre, ils ne tarissent pas d'éloges sur le
Général Joffre, qu'ils proclament « le plus grand
génie du siècle ».
Sur tous les bâtiments publics, ils ont
écrit à la craie « Gott strafe England. Er strafe
es » (Que Dieu punisse l'Angleterre; il la punira).
Les rues et places ont été
baptisées (le noms allemands. La grand'place est devenue
Berliner Platz; la rue Mabille, Kronprinzessin Strasse; la place de la
Sous-Préfecture, Kommandantur Platz; la rue de Luxembourg et son
prolongement, l'avenue de la gare, Bahnstrasse. Ils ont mis les
horloges publiques à l'heure allemande.
Sur la demande du maire, ils ont autorisé la
réouverture des classes; elles se font avec le concours des
institutrices restées ici-bas, en français, dans le salon
de l'hôtel-de-ville, coupé en deux par une cloison de
fortune.
Les Allemands publient et font distribuer un journal imprimé en
français à Charleville : La Gazette des Ardennes,
où ils soutiennent naturellement leur cause et leur pays. Ils y
publient même un feuilleton d'Alfred Capus, dont ils n'oublient
pas de mentionner le titre : Membre de l'Académie
française. Ils reproduisent textuellement les communiqués
allemands et français, grâce à quoi ils se donnent
une apparence d'impartialité, à l'abri de laquelle ils
espèrent faire avaler plus facilement leurs informations
tendancieuses.
L'imprimerie du Journal de Montmédy est
occupée par leurs ouvriers, qui l'utilisent pour la composition
et l'impression de documents officiels : avis, proclamations, etc ; le
propriétaire a le droit d'y pénétrer et de s'en
servir à condition d'en faire la demande 24 heures à
l'avance à la Kommandantur, qui lui fixe les heures de la
journée pendant lesquelles il pourra y avoir accès, sous
la surveillance d'un planton et à condition d'en laisser les
portes ouvertes pendant son séjour.
Les hommes de 18 à 60 ans sont
employés chaque jour à faire les corvées, ce qui
est un moyen pratique de les tenir en surveillance; ceux de 16 à
20 ans doivent se présenter tous les jours à11 heures du
matin à la mairie devant un officier allemand pour faire
constater leur présence.
Les officiers allemands ont perdu leur arrogance
primitive, Ils ne paraissent pas déprimés ni ne s'avouent
vaincus, mais ils sont devenus plus modestes. Ils protestent quand on
les traite de barbares, prétendant que ce sont les
Français qui leur ont déclaré la guerre. Ils
prétendent qu'ils ne tiennent pas à prendre Verdun ni
Paris, et qu'ils se contenteront, pour faire la paix, d'une alliance
avec la France contre l'Angleterre; d'après eux, ils ne peuvent
percer nos lignes et nous ne pouvons percer les leurs.
Ils ne cherchent pas trop à dissimuler les
événements qui leur sont défavorables, comme
l'attaque des Dardanelles et la prise de Przemysl, mais ils se
rattrapent en leur déniant toute importance.
La fête de l'empereur fut célébrée en grande
pompe etle matin il y eut grand messe solennelle à
l'église, revue des troupes sur la place de la
Sous-Préfecture. Toutes les fenêtres des maisons furent
pavoisées par Messieurs les boches de sapins entiers,
arrachés dans les plantations voisines.
Une fois, au milieu de la nuit, l'hiver dernier, la poplation fut
réveillée par une vive fusillade; des habitants, accourus
aux fenêtres pour se renseigner, faillirent recevoir des balles.
C'étaient les boches qui
célébraient par une mousquetade inutile la
prétendue prise de Paris. Telle fut l'allégresse
provoquée chez eux par cette nouvelle sensationnelle, qu'un
groupe d'infirmière allemandes, domiciliées dans une
maison particulière, se précipitent en chemise de nuit
sur le trottoir et y dansent une ronde échevelée sous le
regard narquois des habitants nullement emballés par leur
grâce et leur plastique. Le lendemain, il y avait maldonne et il
fallut en rabattre.
A noter enfin que les soldats prélevés sur la landsturm
en garnison à Montmédy pour être envoyés
comme bouchetrous en Argonne, pleuraient à cette nouvelle,
sachant par les récits de leurs camarades, qu'ils allaient
à la mort. L'ennemi râfle tous les objets en cuivre pour
les envoyer en Allemagne; il a ainsi démoli et
expédié les appareils de la brasserie du docteur Spiral.
En échange, il donne des bons contenant des évaluations
arbitraires au-dessous de la réalité. Si on lui demande
qui remboursera ces bons, il répond que ce sera la France, ou
qu'une entente interviendra après la guerre à ce sujet
entre les deux pays.
L'attitude des autorités municipales et des habitants fut
particuliéremnent digne, correcte et courageuse. Comme en 1870,
où ils supportèrent sans faiblir un siège de trois
mois, deux bombardements et une occupation allemande de trois ans, et
où les représentants de la municipalité allaient,
la veille de la reddition, protester auprès du gouverneur
pusillanime, contre une capitulation prématurée, celte
fois encore, ce fut la population civile qui, par sa belle tenue sauva
l'honneur de la cité.
Bien que se sachant exposée tôt on tard au bombardement
des Allemands ou des Français, la population se décida
à rester, les anciens, qui avaient connu l'autre guerre,
déclarant qu'ils avaient vu 1870 et les prussiens, qu'ils n'en
avaient pas peur et que ce ne serait pas plus dur cette fois-ci, les
plus jeunes pour faire comme leurs aînés.
Une partie des fonctionnaires et leurs familles
furent évacués en auto sur Stenay et Vouziers à la
fin d'août; le Sous-Préfet, conformément aux ordres
reçus, quitta Montmédy au moment où les ponts
allaient sauter en arrière et gagna Verdun par Stenay,
Laneuville, Wiseppe, Montfaucon, se retirant pied à pied devant
l'envahisseur.
Le receveur des finances, le juge de paix, le
conservateur des hypothèques demeurèrent à
Montmédy pour un motif ou pour un autre.
Le maire, M. Poulain, chevalier de la Légion
d'honneur, ancien directeur de l'Enseignement primaire à la
Préfecture du Nord, beau vieillard à la barbe de
patriarche, n'avait été nommé à ces
fonctions qu'en mai dernier. Il n'en fut que plus résolu
à en assumer la responsabilité intégrale. Il
écrivait è un de ses parents des Ardennes, qui. au
début de la guerre, lui offrait un asile chez lui « Je
suis comme un capitaine à bord de son vaisseau : je dois
demeurer à mon poste. »
Une mère écrivait le 20 août à son fils,
fonctionnaire au dehors : « Je ne sais pas si nous nous
reverrons, fais ton devoir jusqu'au bout. »
Il n'y eut, dans les rangs du Conseil municipal, que les deux vides
causés par la mobilisation. L'adjoint, M. Bailleux, conseiller
d'arrondissement, resta, lui aussi, à son poste. Très peu
d'habitants crurent devoir s'éloigner volontairement, tant
l'exemple du sang-froid et du courage est contagieux, tout comme celui
de la lâcheté.
De fait, la population ne fut pas malmenée;
tracassée, dérangée dans ses habitudes, soumise
aux réquisitions et au pillage, elle dut subir tout cela; mais
en regard d'autres populations plus pressurées et plus durement
menées, elle fut privilégiée.
Un beau jour, après que l'ennemi eut
pillé toutes les maisons de la ville-haute,
évacuées depuis longtemps par ordre de l'autorité
militaire française, les habitants de Montmédy-haut
furent convoqués à la Kommandantur, où on leur
demanda de signer une déclaration constatant que leur immeuble
avait été pillé par les soldats français;
tous refusèrent avec ensemble et énergie, sauf un seul,
et les choses en restèrent là.
Les enfants, de leur côté, se
montrèrent insouciants autant que leurs parents; tous leurs
loisirs étaient employés à la guerre dans les rues
et sur les places, avec des sabres et des fusils de bois; il y avait le
camp français et le camp boche, toujours battu, cela va de soi.
Un jour même, dans leurs ébats turbulents, ils
lancèrent des pierres par inadvertance dans les vitres d'un
train sanitaire qui passait Ils s'en tirèrent à
bon compte : la Kommandantur se borna à défendre à
leurs parents de les laisser désormais jouer dehors, pour
éviter le retour de ces faits. Ils s'en vengèrent en
fredonnant : « Vous n'aurez pas l'Alsace », l'air de
Sambre-et-Meuse, ou en sifflant de plus belle la Marseillaise. Ils
avaient même construit sous les yeux des Allemands, impassibles,
un petit fort en sable, nommé par eux Le Vengeur.
Il y eut bien, évidemment, comme partout,
quelques défaillances isolées, quelques complaisances
à relever dans une agglomération de plus d'un millier
d'individus, mais elles émanaient d'étrangers à la
ville et non de véritables Montmédiens; les unes
relèvent de la police des moeurs, les autres du mépris
public. Les Allemands prirent d'ailleurs soin d'envoyer eux-mêmes
travailler ailleurs, une ou deux femmes de conduite
légère.
L'attitude de la population
La vie, les vivres, le ravitaillement; les environs
L'existence, pour les habitants, s'écoule en
somme susqu'ici assez paisible, à part les contre-coups et
vexations inévitables. Bien que l'heure allemande (55 minutes de
différence) soit devenue l'heure officielle, les habitants ou
presque tous ont conservé l'heure française pour leurs
montres et horloges.
Les offices religieux ont lieu comme auparavant et
sont célébrés par le vieux curé
archiprêtre, l'abbé Robert.
Un des deux pharmaciens, M. Rodange, est prisonnier
sur parole, moyennant quoi il est autorisé à exercer sa
profession comme il peut. L'autre, M. Poulain, n'est pas astreint
à cette formalité, sans doute parce qu'il est le fils du
Maire.
Les vivres et denrées ne manquent pas, sauf
le pétrole, le veau et le mouton. On mange d'excellent cheval,
M. Perceval, bouclier, est réquisitionné par les
Allemands pour assurer leur service de boucherie; ils ont même
donné son nom à la rue conduisant à l'abattoir
Percevalstrasse. L'autre boucherie, celle de Madame Lhermite, dont le
fils, soldat à Montmédy, est prisonnier en Allemagne,
fonc-
lionne également et fournit à crédit la viande aux
habitants.
Les deux marchés ordinaires du mercredi et du
samedi sont maintenus et sont pour le moins aussi achalandés
qu'auparavant; au lieu de se tenir devant la mairie, ils se tiennent
maintenant sur leur ancien emplacement d'il y a trente ans, dans la rue
des Tilleuls. On y trouve facilement du lait, des œufs à
1,25-1,50 la douzaine, du beurre à 1,40 la livre, des poulets,
lapins, légumes; le sucre est vendu 1,90 les 2 k.500, et
provient de Stuttgart; le café tout grillé, provenant de
Belgique, se vend 1,50 la livre.
Les Allemands ont fait venir 10000 jeunes
bêtes, veaux, poulains, génisses, qu'ils ont
installées dans les parcs; ils ont réquisitionné
tout le blé du pays, qu'ils payaient 22 et 23 francs le quintal;
un quart seulement est payé en argent, le reste en bons ou
papier-monnaie; ils revendent la farine de seigle 56 à 60 fr. le
quintal.
Ils délivrent aux habitants du pain KK qui est moins mauvais que
celui fabriqué en Allemagne. Les habitants ont droit à
140 grammes de pain (90 pour les enfants) et à 75 gr. de viande
par jour et par personne, mais la contrebande qui se fait par la
Belgique, ravitaillée par l'Amérique, permet de payer le
pain 5 sous la livre au lieu de 6 1/2. Les habitants ont d'ailleurs
pris la sage précaution d'acheter des provisions de blé,
à raison de 150 fr. les 100 kg.; ils passent les grains an
tamis, les écrasent ensuite an moulin à café, et
fabriquent ainsi une farine rudimentaire qui leur permet de fabriquer
du pain sain et nutritif.
Dans la maison Sauvage est installé un
friseur (coiffeur allemand) Des épiciers sont venus d'Allemagne
avec leurs produits, qu'ils vendent aux habitants : riz, macaroni,
sucre, café, etc. Les réserves alimentaires
constituées par les habitants à la veille de la guerre
ont beaucoup aidé ceux-ci. Les boches n'ont pas
hésité à vider les magasins français
abandonnés par leurs habitants, pour les garnir de leur
camelote. Au Familistère Derelle, ils ont enlevé
jusqu'aux corsets, ont chargé le tout sur des voitures, et sont
allés les brûler dans les champs, près du magasin
de peaux Kintzinger, cela afin de faciliter la vente de leurs produits.
On trouve facilement de la bière venant de la
brasserie Motsch à Avioth, qui continue à fonctionner.
Pas de vin, sauf le vin du Rhin, plutôt mauvais, que les
Allemands vendent deux marks (2 fr. 50) la bouteille.
L'arrivée du printemps a permis de cultiver les jardins et de
préparer ainsi une récolte de légumes, facilitant
d'autant plus l'approvisionnement que presque chaque famille
possède on loue un jardin.
Depuis le mois de mai, la population est
ravitaillée en farine à la suite d'une démarche
sur place du consul américain de Belgique, d'un sénateur
du Nord, qui vinrent conférer à la mairie avec les
autorités civiles et militaires. Le ravitaillement est fait par
la Belgique.
Les habitants n'eurent jas trop à souffrir du froid au cours de
l'hiver, grâce aux mesures de l'autorité militaire, de
concert avec la municipalité. En novembre 1914, cette
dernière fit demander à chaque famille combien elle
voulait et pouvait acheter de houille. Avec ces indications, il fut
commandé la quantité nécessaire au prix de 42 fr.
les 1.000 kilogs, qui fut livrée en wagons le plus près
possible des quartiers à desservir, et même sur le trajet
du chemin de fer en ville, devant la maison du destinataire, quand la
chose était possible.
Il est probable qu'au prix où les
envahisseurs avaient trouvé cette houille, ils
réalisaient un bénéfice de 42 francs, mais ils ne
manquaient pas de faire ressortir que sous leur occupation, la houille
coûtait moins cher que sous le régime français.
Ils obligèrent par contre les habitants
à échanger leur or, leur argent, leurs billets
français contre des billets boches chez les commerçants
allemands.
Les villages des environs sont tranquilles et encore
habités en partie; des patrouilles allemandes y circulent de
temps en temps. La gare d'Ecouviez a conservé son
activité et l'importance de son trafic.
A Juvignv-sur-Loison (7 km. de Montmnédy ).
l'important moulin Sévrin a continué à moudre du
blé jusqu'en mars dernier, époque â laquelle le
manque de charbon l'a obligé à suspendre sa fabrication.
A Damvillers, il reste encore quelques femmes que
l'ennemi oblige à cultiver les champs et à y porter
elles-mêmes et à y répandre le fumier
nécessaire à leur fumure; ils ont fouillé tous les
jardins pour y trouver les magots cachés par les habitants et
ils en ont trouvé pas mal, qu'ils ont enlevés,
naturellement; ils ont d'ailleurs pillé la localité de
fond en comble.
À Thonne-les-Prés se trouve un
détachement allemand dont les offIciers occupent le
château d M. de Benoist. L'auberge Simon, située en face a
été détruite par un incendie accidentel qui a
consumé en même temps plusieurs autos boches qui s'y
trouvaient. Pour ce fait, et parce qu'ils supposaient une intention
criminelle, les Allemands incarcérèrent le
propriétaire à Montmédy et se
décidèrent à le relâcher après. Le
cocher de M. de Benoist fut, lui aussi, emprisonné pour une
cause inconnue, et y mourut; on raconte qu'il avait été
sommé d'indiquer la soi-disant cachette où ses
maîtres avaient mis leur argent et leurs objets précieux.
Le château de Louppy-sur-Loison, qui était occupe par une
ambulance française avant l'occupation allemande, paraît
inoccupé, mais a été dévalisé de ses
admirables trésors artistiques. On signale cependant qu'en
dernier lieu, un général habitait le château et y
avait établi son quartier général. La commune est
occupée par cinq à six cents soldats allemands du
génie. La scierie de M. le marquis d'Imécourt fournit
l'électricité au village, et qui a été
installée par eux. Ils exploitent, comme partout, les
forêts voisines, amènent les arbres à la scierie,
les débitent et â l'aide d'un rail qu'ils ont
monté, conduisent les produits è la gare de Louppy (ligne
de Montmédy à Verdun).
Les habitants ont droit è 125 grammes de pain de seigle, qu'ils
paient 0,30 c. la livre.
A Montmédy, malgré l'occupation
ennemie et ses rigueurs, les habitants sont au courant des
événements politiques et militaires. Des officiers
allemands reçoivent Le Matin, Le Journal, et il en filtre des
bribes qu'on se communique de bouche en bouche; ils sont
renseignés aussi par les confidences d'officiers boches, ou par
la Gazette des Ardennes, où ils font d'eux-mêmes la
sélection des nouvelles à retenir ou à
écarter.
Depuis quelque temps, les Allemands autorisent les
Montmédiens qui le désirent à rentrer en France
par la Suisse, et un certain nombre de nos concitoyens ont
profité de cette facilité; parmi ceux-ci, le docteur
Maillard, chevalier de la Légion d'honneur, conseiller
général de
Damvillers, qui fut d'abord interné chez lui pendant plusieurs
mois avec défense de sortir et un factionnaire è sa
porte. Il fut ensuite, avec Mme Maillard, transféré
à Montmédy, où ils passèrent l'hiver, et
quittèrent cette ville pour la France le 12 mai 1915.
A Marville, M, Dupuy père cuit le pain. Mme
François est morte le 20 septembre, et Mme Thérèse
à la Toussaint; Mme Renson et M. Denis père ont
été opérés à Montmédy et vont
bien. Le docteur Dubois, qui habitait à l'hospice avec sa femme,
est mort le 15 janvier. Mme Jacques Danlozer y demeure aussi avec Mme
Pognon. On est toujours sans nouvelles depuis le 27 août d'Emile
Renaud, disparu, laissant une femme et huit enfants.
A Iré-le-Sec, il est interdit aux habitants
de causer entre eux sous peine d'une amende de 10 fr.; il y en a tous
les [texte incomplet]
1 En
réalité. Sommethonne est au Nord-Est de Montmédy.
2 II s'agit ici de Robelmont et non le Paliseul
qui se trouve à 32 km au nord de Sedan.
3 Pour plus de détails sur tous ces combats,
lire De Verdun à Mannheim, du Dr SIM0NIN, et les trois ouvrages
du Ct GRASSET
Neuchâteau. - Ethe. - Virton.
4 Lire : Lejay.
5 Lin, : Servanti.
6 De Thonne-la-Long.
7 D'Avioth.
8 Lire : Bonnaud.
9 10 11 De
Montmédy.
12 Les six premiers nommés, du corps des
douanes: les cinq autres, cultivateurs.
13 Sur le combat de Brandeville Murvau, lire
également :
Ch. BRUNNEAU, L'invasion allemande,
août-sept. 1914 .
Lt-Cl CHENET, L'odyssée de la garnison de
Montmédy.
Cap, JULLIAC, Montmédy 1er-29 août
1914.
Ed. ROUSSEAUX, Les Preux du 91e,de ligne.
- Le 45° territorial au
feu.
Dr CHAGNAUD, Le 91e d'Infanterie.
14 Erreur le frappe: lire : de Benoist.
Annexe
•À Juvigny deux soldats sont repris, la fille du maire, Mathilde
Maquet est envoyée en Allemagne.
•À Villecloye, le 30 juin 1915, un autre soldat est
trouvé, l'habitant qui l'héberge est condamné
à deux ans et demi de prison, sa femme à un an et le
village à 12000 mark d'ammende. Une reproduction de l'affiche
placardée dans le village visible dans le livre de M. Lanher.
•À Lion-devant-Dun, M. Herbinet, cultivateur, qui cachait trois
survivants de la bataille a été dénoncé et
envoyé en Allemagne. Un des poèmes qu'il a écrit
en 1918 a été lu par l'adjudant-chef de Gendarmerie,
Lienard, commandant de la brigade de Gendarmerie de Damvillers, pour la
commémoration de la bataille le 24 août 2000.
• Jules GODFRIN, rescapé de la Bataille à réussi
à se cacher pendant toute la durée de la guerre dans sa
famille à Mont-devant-Sassey.