Montmédy de VaubanIl est une bourgade au vieux pays Lorrain Sur laquelle naguère un farouche destin S'acharna sans merci, s'abatant comme un glaive Sur une tête altière où vivait un beau rêve… Montmédy d'autrefois, ô séjour enchanté, Hélas! où es-tu, toi, gentille cité? Le pélerin aimait ton magestueux site Et trouvait dans tes murs un coquet et doux site Comment est tu déchue en si peu de temps, Toi si noble et si grande encor, voilà vingt ans, Petite capitale en notre coin de Meuse, De cette primauté n'était-tu pas heureuse? Car en toi résidaient de brillants potentats, Gouverneurs, officiers, échevins, magistrats; Les foules fréquentaient tes marchés et tes fêtes… Le retour du bon temps en vain tu le souhaites: Hélas! le coup mortel qui ruina ta splendeur, Tuant en toi la vie, étoignant ton ardeur, C'est le triste abandon de cette citadelle Qui fit de toi, quand même une ville immortelle. On atteignit ton cœur, car ton cœur était là! Depuis, de jour en jour, toute grandeur s'en va. Et poutant, Montmédy, tu pourrait être fière De tes larges remparts! Ta forteresse altière Montant la faction aux portes du pays Ancien rocher d'espoir des peuples envahis, Quelle était belle alors, se cachant sous l'ombrage, Place forte d'en haut gardant le voisinage, Avec ses murs épais, ses tours, ses ponts-levis, Et ses donjons moussus aux antiques habits! L'enceinte bourdonnait du bruit de nos armées, Et ces troupes comme elles étaient aimées! Tu laisses des regrets, petit soldat français! Le peuple étalt heureux, jadis quand tu passais: Il écoutait, ravi, les claires sonneries; Solennels défilés, graves cérémonies, Son cœur comprenait bien leur ample magesté… Et lorsque s'entendait par toute la cité Le son des carillons de ses deux tours trapues, Un long frisson passait dans les âmes émues. O guerre tu fus douce en ta sombre rigeur, Toi qui laisses debout, bien droit sur la hauteur, Les deux clochers pareils à deux casques de pierre D'un pitoresque étrange en leur style sévère… Hélas, ô Montmédy, ce joyeux temps n'est plus! Est-ce que nos soupirs resteront superflus?… Que ton sort est ingrat, ô cité douloureuse! Malheur! as-tu cessé pour toujours d'être heureuse? Paru dans le N°15 du bulletin paroissial de Bréhéville et de Brandeville en octobre 1934 |
La mort de la garnison (nuit du 28/29 août 1914)Voilà vingt ans passés depuis le vingt sept août, La cité qui devait résiter jusqu'au bout N'aura pas l'occasion de monter son courrage Et pourtant c'est demain le terrible carnage! De par l'ordre d'un chef, toute la garnison Doit quitter Montmédy: là-bas, à l'horizon, Les Boches sont vainqueurs; sans fin le canon tonne La campagne est en feu; partout l'alarme sonne. …Là-haut, la citadelle est mise hors d'état; Ce soir les régiments vont partir sans éclat; Les vivres sont détruits et le vin même coule. Et sur les grands chemin, triste s'en va la foule … Le clairon retentit: soldat, il faut partir! Tu t'en va à la mort, tu seras un martyr! Et toi, regarde, enfant attardé sur la place, Pour la dernière fois la garnison qui passe… Se doutait-il alors, le cher petit soldat Qu'il se ferait tuer, demain au dur combat? Quelques uns dans la nuit titubent sur la route, Tombent dans la Loison. Lamentable déroute! Lequel peut se vanter d'atteindre à temps Verdun D'où leur parvint hier cet ordre inopportun? Déjà les Allemands occupent Brandeville Nos troupes croient trouver, tout près, un bois tranquille Le boches pensent-ils sont derrière eux, bien loin Et les Boches sont là, leur barrant le chemin! Plusieurs ont été vus rampant dans l'herbe verte Par de bons éclaireurs! Debout, soldat! Alerte! Cruelle illusion; trompeur et traître lieu, La forêt retentit soudain de coups de feu C'est le déclanchement d'une rude bataille; Voici que déjà craque une horrible mitraille Le ciel est sans nuages et si douce la nuit Qu'on ne voudrait pas croire au formidable bruit! La garnison s'élance, étourdie, affolée Se ruant hardiment dans l'atroce mêlée. Emus, électrisés par l'exemple des chefs, Nos troupiers ralliés aux commendements brefs, Retrouvent leur ardeur dans l'horrible tuerie. Pour la France offensée, ils font don de leur vie. A ces jeunes pourtant souriait l'avenir: C'en est fait des espoirs : hélas! il faut mourir! Mais puisqu'ils sont atteint dans la fleur de leur âge, Ils montreront comment on meurt avec courage… Les voilà : renfermés dans un cercle de fer, Malgré leur fermeté, sentant frémir leur chair Ils sursautent au cris : «Charge à la baïonnette» Et foncent à l'assaut,… à leur dernière fête… Car les Boches, dispos, mieux armés, sont plus forts. Le combat meurtrier, devient un corps à corps; Nos morts jonchent le bois, la route et la prairie. Hélàs! qui reviendra de cette boucherie? Ô vingt neuf août! déjà se lève l'aube d'or La fusillade au loin se fait entendre encor… Six cent français tués sur ce chant de bataille Dorment parmils les fleurs, fauchés par la mitraille Et que de prisonniers partant pour le lointain! Combien se sont perdu, combien sont morts de faim! La garnison n'est plus; si vaillante et si belle; Elle ne verra plus sa vieille citadelle… Paru dans le N°15 du bulletin paroissial de Bréhéville et de Brandeville en octobre 1934 |
Ici reposent les bravesL'affreuse Grande Guerre a maintenant pris fin,Et la France à vaincu l'ennemi d'outre-Rhin. Malgré sa meurtrissure et son rude martyre Sur ses murs calcinés elle a pu reconstruire, Sans oublier le deuil des orphelins en pleurs, Des femmes sans époux, des mères de douleur… Non loin de Brandeville, il est un cimetière Etrangement petit, riant et si peu sévère, Qu'on se trompe aisaiement sur la grandeur du lieu. Pourtant, ils ont reçus là le baptème du feu Six cents de nos héros dans deux communes tombes Ils reposent en paix après les hécatombes, Aux pieds d'un grand calvaire, à l'ombre d'un bosquet; Le voyageur croit voir un menu jardinet, Et celui qui s'attarde apperçoit une veuve Au jours d'été lui rendre une parure neuve, Cultiver avec soin les allées et les fleurs, Et l'enclos s'embellit des plus vives couleurs. Souvent un passant las, pousse la porte, admire, Mais saisi tout-à-coup, il laisse le sourire… Il se recueille, ému par le trop simple aspect D'une terre qu'on doit fouler avec respect Car cette terre est sainte, auguste, vénérée. Ah! Demandez leur combien elle est sacrée! A tous ces pélerins qui viennent par miliers Pleurer depuis vingt ans l'absent de leur foyer! Dans la modeste église et dans le cimetière Personne pour gêner leur intime prière. Les mêmes éprouvés viennet pieusement Commémorer la date au pied du monument. Paru dans le Journal de Montmédy du 8 septembre 1934 et dans le N°15 du bulletin paroissial de Bréhéville et de Brandeville en octobre 1934 Poèsie de Lucien Jacques parue sous son pseudonyme de Luc de Brandeville. |
L'oubli - la cité déchue
Six cents soldats sont morts pour sauver notre France |